Une offre que l'on a du mal a refuser...

Alors, je cherche un artisan, du genre discret, mais efficace, et n'ayant pas peur de tester des choses... Et il ne doit pas connaitre ma réputation, donc un chez qui je ne suis jamais allé. Ça ne va pas être simple à trouver. Alors, pas celui-là, pas celui-là, surtout pas celui-là...

Quelques heures plus tard

Tiens, encore un artisan de plus... La forge du Serpent, ça me dit vaguement quelque chose, j'ai dû entendre parler, après, en bien ou en mal, je ne me souviens plus. C'est l'occasion de me faire mon propre avis!

En entrant, je fais sonner une petite clochette, et je vois un intérieur bien misérable, éclairé principalement par le feu rougeoyant de la forge. Au-dessus de celle-ci, un naga, le regard concentré, frappant à petits coups une chose que je ne vois pas là d'où je suis. Sans même se retourner, l'humanoïde dit "Entrez, je suis bientôt à vous".

Au second coup d'œil, je constate le faible éclairage sous la porte à l'opposé de la pièce, ainsi qu'un faible rayon traversant une lucarne crasseuse. Les coussins à côté de la forge et les rayonnages omniprésents me firent douter un peu de mon choix, mais les réalisations alignées étaient d'une facture plus que suffisante. Souriant de toutes mes dents, je patiente d'ici à ce que l'autre ai fini.

Sylas finissait sa pièce sans se presser, patiemment, avec le détail qui caractérisait ses pièces. C'était une commande d'un nouveau client, et son appréciation le prendra en compte. Le naga le savait parfaitement, et c'est bien pour ça qu'il n'avait pas directement reporté son attention sur l'être qui avait poussé la porte.

Alors qu'il venait d'apporter le dernier coup de marteau à la pièce, plusieurs minutes s'était écoulées, et la température de la pièce n'avait pas rebaissé : la personne était toujours là. Le forgeron était content, mais ce n'est pas tout, il constatait que l'homme était atypique dans son genre : les cheveux verts, ce n'est pas une chose naturelle. De plus, son regard, son attitude, tout indiquait un personnage dont il fallait se méfier.

L'autre avait dû sentir les aprioris du propriétaire des lieux, vu qu'avant toute autre chose, il annonça Si vous pensez que vous ne pouvez pas me faire confiance, dites le moi, et je partirai de suite. Autrement, écoutez-moi, ça pourrait fortement vous intéresser." Sylas était impressionné, et se demandait si l'autre lisait dans les pensées. *Non, c'est impossible voyons!* se rassura-t-il, mais il restait sur ses gardes : la dernière personne à lui avoir fait une mise en garde s'était subitement transformée en monstre et l'avait à moitié déchiqueté.

Aucune réaction, si ce n'est des yeux suspicieux. Il accepte donc d'écouter, c'est bien, il y a peut-être matière à faire.
"Bien, dans ce cas, je commence. Vous avez du vous rendre compte que sur cette ile, il y avait peu de bijoutiers. Vous êtes-vous jamais demandé pourquoi?" Je commence en entrant dans le vif du sujet, mais le naga ne semble pas vraiment détendu pour autant, puisqu'il répond en bottant en touche. "J'ai peu de temps libre, j'aimerai que vous soyez plus clair." Halala, s'il n'y a pas ce travail de question réponse, l'interlocuteur reste sur la défensive, je crains pour la suite.

"Très bien : il n'y a pas vraiment d'orfèvre car les pillages apportent un brassement constant de bijoux, tous plus beaux les uns que les autres. La plupart de vos travaux sont des réparations si je ne me trompe pas, ou des créations très dirigistes." Pour ce que j'en vois sur les étagères, je sais très bien que je ne me trompe pas, et le regard à moitié surpris du forgeron en face de moi me confirme la chose "Continuez."

Pour une fois, j'obéis sans broncher : tout commence à se mettre en place, je n'ai plus qu'à poser le germe du doute, et tout sera parfait.
"Et vous avez également comprit que l'acier a plus de valeur que l'argent. Votre petite forge n'est pas capable de le travailler, mais j'ai récemment acquis une installation le pouvant. Seulement voilà, la majorité des forgerons ne se sont pas capable de se remettre en question et de se poser des plus gros défis." Le ton employé est clairement sous-entendu que lui en était capable. Tomberas-t-il dans le panneau?

La conversation intéressait Sylas, mais son instinct lui hurlait de se tenir loin de l'homme au chapeau. En réfléchissant un instant, il se dit que c'était le vert de ses cheveux qui lui rappelait les harpies, et décida de mettre de côté ce détail. "Et vous pensez que moi, j'en serai capable? C'est présumer des gens, monsieur?" Oui, L'homme ne s'était pas présenté, pas plus que le forgeron, mais l'autre en face devait s'être renseigné inutile de préciser ce qu'il sait déjà.

"Henry Delatour, investisseur." Le nom ne parut pas prononcé naturellement, comme forcé. Mais ça, le pauvre humanoïde ne s'en rendit pas compte, pensant à une particularité d'une ile quelconque. "Et oui, il parait que j'ai un don pour voir dans le cœur des hommes, et c'est pourquoi je vous sens l'homme de la situation."

C'était trop de chemin détourné pour Sylas, et c'est en haussant le ton qu'il répliqua d'une tirade sèche, les bras droits montrant la porte "Que me demandez-vous exactement? Dites le clairement, ou sortez d'ici!" Le fait que l'autre soit en train de sourire niaisement continua à énerver le forgeron. L'homme au chapeau sembla le comprendre et posa très clairement la chose. "Travaillez pour moi, ou louez ma forge pour vous permettre des œuvres qui vous étaient interdites jusque-là. Dans le premier cas, vous serez payé une somme confortable pour chaque pièce produite, matériaux à ma charge, et dans l'autre éventualité, ce ne sera pas une somme déraisonnable par semaine."

Un silence pensif s'installe, il semble réfléchir sérieusement. Je fais de mon mieux pour ne pas montrer ma joie qui semble le gêner. Au bout de plusieurs minutes, je m'enquiers de l'avancement "Alors, vous êtes intéressés?" C'est très sincèrement qu'il répond alors "Je cherche le point noir de votre proposition."

Il n'est pas complètement stupide, possède assez d'aplomb pour parler franchement. Il ne me reste qu'à juger de sa capacité à s'adapter aux changements de situation, et d'un point de vue humain, j'aurais tout vu. Après, ses capacités de forges sont à améliorer rapidement, mais si il accepte, il va vite gagner en expérience.

"Mais il n'y en a pas voyons, ou alors, c'est une gêne mineur par rapport au bénéfice que vous ferez." A lui de décider si je dis la vérité ou non, c'est ça décision qui tranchera. Le regard du serpentoïde se fait alors encore plus suspicieux, a croire qu'il essaie de me ressembler "Et mettons que du jour au lendemain, je ne veuille plus de cet accord, que ce passe-t-il?" Héhéhé, j'avais prévu cette question depuis bien longtemps, et c'est de but en blanc que je réponds, comme une scène parfaitement préparée "C'est simple : vous arrêterez de travailler dans la forge, et vous ne recevrez plus d'argent. Impossible d'être moins procédurier, mais il faut juste me le dire deux jours avant."

Il répond bien encore 3 minutes plus tard, sur un ton pour le moins indécis "J'ai le temps d'y réfléchir? Je veux dire, c'est assez inopiné comme situation, et j'aimerai ne pas prendre de mauvais choix." Ça, pour le coup, je ne m'y attendais pas tellement. Je cherche mes mots un instant avec de répondre avec ma voix la plus mielleuse "Bien sûr, je repasserai plus tard en début de soirée. J'espère que vous répondrez favorablement à ma demande." Je repars le cœur léger : il m'a écouté jusqu'au bout, et à son comportement, il sera partant. Maintenant qu'il ne peut plus le voir, je souris de toutes mes dents. A plus tard, l'forgeron!

Alors que l'humain venait de partir, Sylas ferma la porte à double tour. L'humanoïde avait besoin de réfléchir après ce qui venait de se passer. *Peu de bijoutiers, peu de bijoux…* Songea-t-il en parcourant ses fameuses étagères, prenant certains objets dans les mains pour mieux donner raison à l'homme. *Vivre de mes œuvres, être reconnu pour ça… Mais des armes? De l'acier? Je ne suis pas sûr de le vouloir.* C'est alors qu'il partit voir sa réserve de métal, les œuvres qu'il produisait par volonté et avec plaisir : cette réserve restait presque vide, vivre dans cette ville coûtant cher, il est presque impossible pour un petit producteur de faire ce qu'il voudrait.

Alors que l'orfèvre s'enfermait dans la réflexion, il s'enroulait progressivement autour de son âtre de travail, devenant la représentation de son état mental du moment. Son cerveau était à ce point occupé qu'il en oublia d'alimenter le feu, ne laissant pour seule source de lumière que le petit bout de verre sale inclus dans le mur. C’était le bruit de frappe contre la porte qui le ramena à la réalité. "C'est fermé!" Informa-il le visiteur. Après coup, Sylas se dit que c'était peut-être Henry, l'homme aux cheveux verts, qui revenait. Manifestement, vu qu'après 3 minutes, il n'y pas eu d'autres coups, ce n'était pas l'investisseur', juste un client standard. Le forgeron lâcha un soupir de soulagement, la discussion stressante se fera plus tard.

Le naga relança le feu, tant pour la chaleur qui commençait à lui faire défaut que pour la lumière, la nuit étant en train de tomber. Ayant une faim dévorante, il alla voir dans la pièce d'à côté, initialement une chambre, mais désormais transformé en garde-manger sommaire depuis le départ d'Isabeau du jour au lendemain, afin de revenir avec un poisson quelconque. Avec une petite grille, il commença à faire cuire son repas, mais de nouveaux coups retentirent, juste avant que la porte ne tente d'être poussée.

Je pense l'avoir laissé mariner assez longtemps, il est peut-être temps de retourner voir 'Le serpent' – dont j'ai entre temps appris le nom – et de voir ce qu'il a bien trouvé à redire. Cette fois, je ne suis pas simple prospecteur, je toque et entre directement... enfin, je l'aurai fait si la porte n'était pas fermée. "Je suis revenu, comme je l'avais dit. Pourriez-vous m'ouvrir pour que..." Je m'arrête quand j'entends le bruit du verrou, juste avant de voir le propriétaire du lieu alors qu'il vient d'ouvrir le passage. "Merci" dis-je simplement, ne rentrant qu'une fois Sylas m'a fait un signe pour rentrer. Manifestement, je suis encore le bienvenu, c'est bon à savoir et ça fait plaisir.

"Alors, vous vous êtes décidé? " Ça y est, c'est lancé, mais sans animosité, juste vraiment pour savoir. L'autre en face semble l'avoir reçu ainsi, puisque sa réponse est nul autre que "Si je travaille pour vous, j'aurai du temps pour moi, mais à quel point?" Je suis légèrement surpris qu'il choisisse cette version là, mais agréablement surpris. "Et bien, tout va dépendre de votre gestion du temps. Je passerai des demandes de pièces, pour des dates raisonnables, et j'anticipe la question suivante : vous serez payé tous les jours, avec un bonus lors de remplissage de commande. De même, je m'engage à vous acheter toute pièce que vous produirez à titre personnel."

Je n'ai pas encore lancé le terme 'acheteur exclusif' mais je pense qu'il coule de source vu la situation, et l'humanoïde répondant sans relever la chose semble prouver qu'il n'y avait pas besoin de le souligner. "Et j'aurai la possibilité de dormir sur place?" J'acquiesce de la tête "Je pourrais utiliser la forge pour mon plaisir, mais je devrai acheter le métal par moi-même?" "C'est une solution, mais..." Petite emphase pour la théâtralité "Vous pouvez aussi me demander un métal, qui sera soit déduit de vos payes, soit payé par votre pécule, soit payé moins cher lors de l'achat de l'œuvre finie." Une méthode classique, et bien souvent, je pense qu'il choisira le rachat pour moins cher, enfin, je l'espère.